Crimée, Syrie, interférences dans les élections
américaines puis françaises… La Russie est depuis quelques années sur tous les
fronts de la diplomatie. Une reprise en main musclée qui fait presque passer
Vladimir Poutine pour le nouveau grand méchant de la scène internationale. Mais
derrière ses prises de position et nombreux soupçons, quelle est la part de
réalité et quelle est la part de fantasme? Et surtout quelles seraient
alors les réelles intentions du président russe?
Pour approfondir le sujet, le site américain Quartz
est allé interroger le journaliste Mikhail Zygar, auteur du livre All the Kremlin's Men: Inside the Court of
Vladimir Putin pour lequel il a interviewé sous couvert d'anonymat
de nombreuses figures clés du Kremlin. Selon cet observateur privilégié du
pouvoir,
Poutine pousse à l'établissement d'un nouvel ordre mondial semblable à
celui établi à Yalta en 1944. Le Conseil de sécurité de l'ONU affaibli, il veut
pouvoir parler d'égal à égal avec les présidents américains ou chinois et la
Chancelière allemande. «Il veut
que tous ses partenaires partagent la même approche faite de pragmatisme et de
cynisme», précise Zygar, qui décrit Poutine comme un chef très paranoïaque
et persuadé de faire ce qui est bien pour son pays.
Hystérie médiatique
Rétablir la place de la Russie au rang de superpuissance,
s'imposer comme un leader fort pour éviter les risques d'éclatement après
la poussée des révolutions dites de couleur et arabes: les objectifs de Poutine
sont connus. C'est sur la stratégie pour y arriver que les choses sont un peu
plus complexes. Pour Zygar, «cette
image d'un Poutine agressif qui essaierait d'imposer sa vision au monde au prix
de manipulations à l'échelle internationale est une exagération très
hollywoodienne». Il ajoute: «Vladimir Poutine n'est pas le mauvais génie de tout ce qui se passe
dans le monde. Personne n'aurait l'intelligence nécessaire pour faire aboutir
un plan aussi machiavélique à cette échelle. Ce n'est pas quelqu'un de très
stratège. Il a une vision et quelques tactiques.»
Pour appuyer son propos, il prend l'exemple de la Crimée
où tout s'est décidé dans la précipitation en l'espace de trois mois quand ses
conseillers ont persuadé Poutine que les Américains voulaient imposer un
président moins favorable à la Russie. Selon Zygar, les actes de piratage des
campagnes électorales américaines et françaises n'ont pas été commandités par
le Kremlin, même si celui-ci a pu être au courant de ces agissements. «Les politiciens ne peuvent pas dire “vole
4 milliards de dollars et tue cette journaliste” ou “organise le piratage d'un
tel gouvernement”, détaille le journaliste. Généralement, c'est plutôt de l'ordre de
“fais ce que tu as à faire” et tous ceux qui veulent se faire bien voir du
pouvoir et en ont les moyens prennent les initiatives.» Sans que le
président n'ait à se mouiller personnellement.
Depuis de nombreux mois, le site d'information indépendant
The Intercept, crée
par Glenn Greenwald, Jeremy Scahill et Laura Poitras, dénonce ainsi l'hystérie
des médias sur l'influence que peut avoir la Russie sur les affaires
américaines. Dans une vidéo postée sur les réseaux en fin de semaine,
Glenn Greenwald explique que faire des soupçons en cours sur les
connexions russes de l'administration Trump «la plus grave accusation jamais
portée à l'encontre d'un président est une vaste blague». Surtout
comparée aux très nombreuses victimes civiles anonymes de la guerre des drones
ou aux enfermements de citoyens sans procès à l'échelle de la planète après le
11-Septembre. Une manière de tenter de ramener les choses à leur juste mesure.
Boris Bastide —
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