Dans le sud
des Philippines, Marawi est le théâtre depuis mardi de combats entre les forces
de sécurité et des groupes islamistes qui se revendiquent de l'EI. D'où
viennent ces combattants ? Pourquoi ont-il pris d'assaut Marawi? Explications.
Depuis mardi 23 mai, les forces armées philippines
affrontent dans la ville de Marawi, située sur l'île de Mindanao, dans le sud
du pays, des combattants issus de groupes ayant prêté allégance à
l'organisation État
islamique (EI). Après deux jours de heurts, l’armée philippine a bombardé
jeudi les sites où sont retranchés les jihadistes. Ils seraient entre 30 et 40
pris au piège à Marawi.
Après la décapitation mercredi d’un chef de la police
locale, le président
philippin Rodrigo Duterte a affirmé qu'il pourrait étendre
la loi martiale à l'ensemble du pays.
Qui sont
les groupes affiliés à l'EI qui ont pris d'assaut la ville de Marawi ?
Groupe terroriste historique aux Philippines, Abu Sayyaf, qui existe depuis les
années 1990, a prêté allégeance à l'EI au cours de l'été 2014. L'organisation a
multiplié les enlèvements de centaines de Philippins et d'étrangers, exigeant
des rançons contre leur libération. Ses membres ont décapité un ressortissant
allemand au début de cette année et deux Canadiens l'année dernière, leurs
exigences n'ayant pas été satisfaites.
Les récents heurts à Marawi ont pour origine une
perquisition menée mardi par les forces de sécurité philippines contre une
cache supposé de son leader et émir de l’EI dans la région, Isnilon Hapilon.
Des dizaines de combattants ont tenté de les repousser, avant de saccager la
ville en brandissant des drapeaux noirs de l'EI.
Isnilon Hapilon, dont la tête est mise à prix par les
Américains à 5 millions de dollars, s'efforce d'unifier les groupes philippins
qui ont fait allégeance à l'EI et d’établir un califat dans la région. Parmi
eux, le groupe Maute, autre structure radicale à prendre part aux combats à
Marawi. Ce groupe, né en 2013, est l'origine de plusieurs affrontements
meurtriers ces douze derniers mois autour de cette localité.
Quelle
est la situation à Marawi et dans la région ?
La région de Mindanao est particulièrement instable depuis
les années 1970. La rébellion musulmane, qui comprend plusieurs entités dont le
MILF (Front de Libération Islamique Moro) et le le MNLF (Front Moro de
Libération Nationale) réclame son indépendance. Les combats pour cette indépendance
ont fait plus de 130 000 morts. Des négociations de paix sont engagées
depuis des années avec les gouvernements successifs, sans avancée concrète.
Depuis quelques jours, la violence est de retour et se
concentre dans la ville de Marawi. L'armée philippine a bombardé jeudi la
ville, par les airs. "Nous procédons à des frappes chirurgicales", a
précisé Jo-Ar Herrera, porte-parole local de l'armée.
Beaucoup des 200 000 habitants de cette ville située à
environ 800 km au sud de Manille ont pris la fuite. Ceux qui restent ont été
priés de quitter les quartiers où se déroulent les combats. L'armée a ouvert
une enquête sur la mort supposé de 9 civils à un poste de contrôle jihadiste.
Selon l'armée, cinq soldats et un policier ont été tués
dans ces affrontements, de même que 13 jihadistes. Les islamistes retiennent en
otages entre 12 et 15 catholiques capturés dans une cathédrale, dont un prêtre,
selon l'évêque de la ville, Edwin Dela Pena. Ils ont également pris d'assaut
deux prisons. Une centaine de détenus sont désormais en cavale.
Faut-il
craindre l’instauration d’un califat dans cette région ?
"Le problème est ancien, il est connu, voire déploré,
la ville de Marawi inquiète par ses dérives radicales. Et ce n'est pas la loi
martiale [voulue par le président Duterte, NDLR] qui va régler le
problème", estime Sophie Boisseau du Rocher, docteur en sciences
politiques, chercheuse associée au centre Asie de l'institut français des
relations internationales, interrogée
par Europe 1. La réponse des autorités doit se faire sur un terrain
politique : "Il faut apaiser la situation sur le terrain, contrôler ces
groupes mais surtout engager avec eux un dialogue. À l'inverse, cette mesure
peut radicaliser la situation sur le terrain et justifier pour ces groupes un
soutien plus engagé de l'EI."
Toutefois, pour la chercheuse, l'instauration d'un califat
dans la région est "une hypothèse qu'il faut écarter". "Les
Philippines sont composées à 85 % de catholiques. Dans le pays, la menace
radicale est cantonnée au sud de l'archipel et pour le moment, elle reste sous
contrôle", explique Sophie Boisseau du Rocher.
Selon cette spécialiste, c’est du côté de l'Indonésie ou
la Malaisie que le risque d’une telle menace est plus important :
"L'Indonésie, premier pays musulman au monde avec 235 millions de
pratiquants, constitue un enjeu décisif".
Aljibe, AFP
Texte par Florence RICHARD
25/05/2017
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