Donald Trump, avec son conseiller à la sécurité national, Michael Flynn, et Steve Bannon, lors de sa conversation téléphonique mouvementée avec le Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, le 28 janvier. Photo Jonathan Ernst. Reuters |
Le nouveau président américain s'est
notamment illustré ces derniers jours avec son décret anti-immigration et par
la mise en scène façon télé-réalité de la nomination du nouveau membre de la
Cour suprême.
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Immigrés, Australie, Berkeley… Trump se met plus
que jamais le monde à dos
Samedi
28 janvier
L’Amérique se replie
Une grand-mère soudanaise, un couple iranien de 83 et
88 ans, un enfant de 5 ans, un ancien interprète irakien de l’armée
américaine : tous ont été détenus à leur arrivée aux Etats-Unis, souvent
menottés, en dépit de leurs papiers en règle,
visa ou carte de résident. Ce
samedi 28 janvier restera le jour sombre où l’Amérique de Trump a commencé à
fermer ses portes, tournant le dos à sa tradition d’accueil au nom de la
chimère de l’antiterrorisme. Les milliers de manifestants venus crier leur
colère dans les aéroports entretiennent une certaine foi en l’Amérique. Mais
face à un président déterminé à attiser les peurs et à donner des gages à son
électorat teinté d’islamophobie, la société civile semble bien démunie.
Dimanche
29 janvier
Le flou artistique
Trente-six heures après la
signature du décret anti-immigration de Donald Trump, le flou règne
dans les aéroports américains. Des ressortissants des sept pays concernés
restent détenus, malgré une décision de justice rendue en leur faveur la veille
au soir. Aux ordres de la Maison Blanche, les forces de l’ordre promettent de
continuer à appliquer le décret. Certaines voix s’élèvent pour dénoncer un
début de crise constitutionnelle. La portée du décret fait également débat. Les
détenteurs d’une green card de résident sont-ils concernés ? Non, disait
vendredi soir le département de la Sécurité intérieure. Oui, assurait samedi
matin la Maison Blanche. Finalement, non, décrète dimanche le chef de cabinet
de Trump. Résultat d’une improvisation totale, aussi bien dans la rédaction que
dans la mise en œuvre de ce décret. A la baguette : le sulfureux
conseiller stratégique Steve Bannon, dont l’influence grandissante à la
Maison Blanche est sans doute l’information
la plus inquiétante de la semaine.
Lundi 30
janvier
Et revoilà Obama
En huit ans, George W. Bush n’a jamais critiqué
la politique de son successeur. Barack Obama, lui, aura tenu dix jours. Le
président sortant avait promis de rester silencieux sauf si les valeurs «fondamentales» de
l’Amérique étaient menacées. Le décret anti-musulmans, rédigé à la va-vite et
en secret par une poignée de conseillers, a suffi à sonner l’alarme. Dans un
communiqué, où le nom de Trump ne figure pas, Obama rejette
catégoriquement «toute
discrimination fondée sur la religion» et se félicite de la
mobilisation populaire. Symboliquement, le désaveu est cinglant pour Trump,
déjà noyé sous une vague de critiques. Le même jour, la chancelière allemande
dénonce ainsi une discrimination «injustifiable». Via un canal officiel dit de «dissidence», des centaines de
diplomates américains expriment eux aussi leur désaccord. «Nous valons mieux que ce moratoire»,
écrivent-ils. «Vous acceptez
ou vous partez», rétorque en substance la Maison Blanche.
Ambiance.
A lire aussi :Donald
Trump : et maintenant, les données personnelles
Mardi 31
janvier
The Apprentice à la Maison Blanche
Dans le monde de Trump, tout est spectacle, tout se met en
scène. Y compris l’annonce – habituellement très
solennelle – d’un nommé à la Cour suprême. Face au tollé suscité par
son décret anti-musulmans, le président veut détourner l’attention. Il avance
donc de deux jours l’annonce de l’identité du magistrat choisi pour
occuper le siège vacant au sein de la vénérable institution. Mais ce n’est pas
tout : en maître de la télé-réalité, Donald Trump fait monter le suspense.
Teasing sur Twitter, finalistes pressentis invités à rallier Washington,
annonce en prime-time depuis la Maison Blanche. On se croirait dans une finale
de The Apprentice, son ancienne émission de télé-réalité. Peu après
20 heures, la décision tombe. The winner is… Neil Gorsuch, 49 ans,
juge conservateur, réputé brillant et affable. Un choix ingénieux qui met en
difficulté les démocrates.
Mercredi
1 février
«Le pire appel, de loin»
On savait Donald Trump capable de beaucoup de choses. Mais
personne n’aurait parié sur sa capacité à s’embrouiller si vite avec
l’Australie, très proche allié des Etats-Unis. La scène, révélée
mercredi par le Washington Post, date du samedi
précédent. Toute la journée, le nouveau président a enchaîné les coups de
téléphone avec ses homologues étrangers (Poutine, Merkel, Hollande). Vient le
tour du Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, qui se fait incendier par
Trump. En cause : un accord signé entre Canberra et l’administration Obama
sur l’accueil aux Etats-Unis de plus de 1 000 réfugiés interceptés
par l’Australie. Turnbull demande à Trump d’honorer l’accord, ce dernier
l’accuse de chercher à «exporter
les prochains terroristes de Boston». Au bout de
vingt-cinq minutes, Donald Trump abrège brutalement la conversation prévue
pour durer une heure. Juste avant de raccrocher, il dit au Premier ministre
australien que de tous ses appels de la journée, celui-ci a été «le pire, de loin».
Jeudi 2
février
Touche pas à Breitbart
6h13. Premier tweet de la journée et première menace sur
le compte @realDonaldTrump. La
cible de l’ire présidentielle : la prestigieuse université de Berkeley, en
Californie. La veille au soir, Milo Yiannopoulos, l’un des rédacteurs en chef
du site
d’extrême droite Breitbart, soutien affiché du nouveau président, devait
y donner une conférence. Mais plusieurs centaines de manifestants, dont
certains ont brisé des vitres et mis le feu à des palettes en bois, ont
contraint l’université à annuler l’événement. Ulcéré que l’une des stars de
Breitbart, dont l’ancien directeur Steve Bannon est son conseiller stratégique,
Donald Trump a menacé de couper les vivres à l’institution. «Si l’université de Berkeley ne permet pas
la liberté d’expression et pratique la violence sur des personnes innocentes
qui ont des points de vue différents – PAS DE FONDS FEDERAUX ?» menace-t-il
sur Twitter.
«Je suis
consterné par le fait que vous soyez prêt à priver plus de
38 000 étudiants d’accès à l’éducation à cause des actions de
quelques uns», a répondu le lieutenant-gouverneur de Californie.
Au-delà de cet amalgame déroutant entre une poignée de manifestants et toute
une université, cette menace illustre, une fois de plus, la susceptibilité de
Trump. Et sa méconnaissance totale du gouvernement qu’il dirige. Aucune loi ne
lui donne en effet le pouvoir de couper les fonds à une université dans un tel
scénario.
Vendredi
3 février
Tempête de décrets
Après son
décret sur l’immigration, la
suppression des régulations sur les déchets miniers dans les rivières, la
fin des plafonds d’émissions de méthane pour les centrales électriques, le
démantèlement d’une loi anticorruption à la faveur de l’industrie des énergies
fossiles, Trump a signé, vendredi, un décret marquant le début du
détricotage de la loi Dodd-Frank. Passée en 2010 sous Obama, elle avait
pour but de réguler Wall street après la crise financière de 2008. «Nous devrions supprimer une bonne partie
de Dodd-Frank, a martelé le président, vendredi matin. Parce que, franchement, je connais
tellement de gens, des amis, qui ont de bonnes entreprises, mais ils ne peuvent
pas emprunter d’argent parce que les banques sont restreintes par la loi
Dodd-Frank.»
Difficile de voir dans ce geste, une manière de «redonner le pouvoir au peuple», tel
que le milliardaire l’a scandé à la tribune du Capitole, le jour de
son investiture. Dans sa frénésie signataire, le président prévoit aussi de
publier un décret pour revenir sur une régulation du département du travail,
qui devait s’appliquer à partir d’avril. Cette «régulation fiduciaire» exige
des professionnels de la finance de faire passer les intérêts de leurs clients
avant les leurs. On peut comprendre pourquoi celui qui a placé un
ancien de Wall street au Trésor ne veut pas voir cette règle
s’appliquer.
Par Frédéric Autran, correspondant
à New York et Aude
Massiot
— 4 février 2017 à 09:55
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