La ministre à la Sécurité intérieure Kirstjen Nielsen et le vice-président Mike Pence regardent le président Donald Trump signant le décret qui met fin à la séparation des familles à la frontière avec le Mexique |
Dans un spectaculaire retournement, Donald Trump a annoncé mercredi
qu'il mettait fin aux séparations des familles de migrants arrivées
illégalement aux Etats-Unis qui ont provoqué une vague d'indignation mondiale
et un profond malaise au sein de son parti.
Depuis
l'annonce début mai d'une politique de "tolérance zéro", plus de
2.300 enfants et jeunes migrants, fuyant pour la plupart la violence qui ronge
l'Amérique centrale, ont été séparés de leurs familles après leur arrestation à
la frontière.
"Cela
me tient particulièrement à coeur (?) Nous n'aimons pas voir des familles
séparées", a affirmé dans le Bureau ovale le président américain en
signant le décret.
Le texte
stipule que des poursuites pénales continueront à être engagées contre ceux qui
traversent la frontière illégalement mais que parents et enfants seront détenus
ensemble dans l'attente de l'examen de leur dossier.
"Nous
allons avoir des frontières très fortes mais nous allons garder les familles
ensemble", a encore dit M. Trump.
-
Volte-face -
Cette
volte-face a créé la surprise à Washington et à travers le pays: depuis
plusieurs jours, la Maison Blanche répétait qu'elle ne faisait qu'appliquer la
loi et que seule une modification de cette dernière par le Congrès permettrait
de mettre fin aux séparations si critiquées.
Nombre
d'élus et d'organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé le
cynisme du locataire de la Maison Blanche.
"Le
président s'accorde le mérite d'avoir héroïquement résolu la crise scandaleuse
créée de toutes pièces par sa propre politique", a ironisé David Axelrod,
ancien conseiller de Barack Obama.
L'association
de défense des droits civique ACLU a déploré que cette crise ait causé
"des dégâts irréparables pour des milliers de familles de migrants".
Elle a par ailleurs jugé que le décret annoncé allait remplacer une crise par
une autre: "Les enfants n'ont pas leur place en prison", a-t-elle
martelé.
Griffin,
pédiatre qui s'occupe depuis dix ans des enfants retenus à la frontière entre
le Texas et l'Etat mexicain de Chihuahua, a raconté à l'AFP le désespoir des
enfants séparés.
"Les
enfants tendaient les mains à travers la clôture métallique, pleurant et
tentant d'atteindre leur mère", a-t-elle relaté. "C'était horrible
(..) des tout-petits et des bébés sont enfermés dans ces centres".
M. Trump,
qui a une nouvelle fois appelé le Congrès à se saisir du dossier de
l'immigration, a reconnu que sa femme Melania et sa fille Ivanka avaient pesé
sur cette décision, soulignant que le sujet leur tenait particulièrement à
coeur.
"Merci
président d'avoir pris cette décision cruciale pour mettre fin aux séparations
des familles à la frontière", a tweeté Ivanka Trump quelques minutes après
la signature.
En
signant son décret, le milliardaire républicain ôte l'"urgence" avec
laquelle les parlementaires sentaient encore ce matin qu'ils devaient agir, a
reconnu le sénateur républicain Marco Rubio, tout en poussant pour qu'une loi
soit tout de même approuvée afin de graver dans le marbre législatif la volonté
de ne pas séparer les familles.
Le
parcours parlementaire s'annonce toutefois ardu malgré la majorité républicaine
au Congrès.
Dans une
certaine confusion, le chef de file des républicains à la Chambre des
représentants, Paul Ryan, avait annoncé quelques heures plus tôt qu'il
soumettrait au vote jeudi un projet de loi afin d'empêcher ces séparations.
Mais il
n'est pas encore certain qu'il parvienne à rallier toutes ses troupes autour
d'un texte qui devrait inclure également d'autres volets sur l'immigration
crispant ses ailes dures comme modérées (statut des "Dreamers", nette
réduction de l'immigration légale).
Les
démocrates eux ont déjà dits qu'ils ne voteraient pas pour cette loi. Et même
si elle passe la Chambre basse, son approbation est largement compromise au
Sénat, où les républicains disposent d'une très faible marge (51-49).
- Le pape
donne de la voix -
Les
images de ces milliers d'enfants en pleurs arrêtés puis placés dans des
centres, divisés en cages grillagées ou dans des camps faits de tentes, ont
fait scandale.
A New
York, une chaîne de télévision a diffusé mercredi des images de cinq fillettes
accompagnées d'adultes, parlant espagnol, marchant en pleine nuit vers un
centre d'accueil du quartier de Harlem, suggérant que ces enfants sont placés
incognito.
La
Première ministre britannique Theresa May a jugé "profondément
choquantes" ces images "d'enfants détenus dans ce qui semble être des
cages". "Ce qui se passe aux Etats-Unis est inacceptable", a
affirmé le Premier ministre Justin Trudeau.
"La
dignité de la personne ne dépend pas de son statut de citoyen, de migrant ou de
réfugié. Sauver la vie de qui s'échappe de la guerre et de la misère est un
acte d'humanité", a assuré le pape François sur Twitter.
Peu avant
la signature du décret de Donald Trump, c'est son prédécesseur démocrate Barack
Obama qui avait donné de la voix.
"Trouver
un moyen d'accueillir les réfugiés et les immigrants -- d'avoir suffisamment de
grandeur et de sagesse pour faire respecter nos lois tout en étant fidèles à
nos valeurs -- fait partie de ce qui nous rend américains", avait-il
écrit.
Jerome CARTILLIER, Cyril JULIEN
,
AFP•21 juin 2018
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