Face aux «pressions énormes» de la Chine et à
un isolement diplomatique croissant, la présidente Tsai Ing-wen renouvelle ses
propositions de dialogue en s'inspirant du sommet Kim-Trump.
A
l’heure de la poignée de main Kim-Trump et des retrouvailles coréennes, c’est
une crise qui a perdu en attention mais gagné en intensité. Les déclarations,
ce lundi, de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen sont venues rappeler
que les relations entre Taiwan et la Chine se dégradaient sérieusement dans
cette «région en paix
froide», selon l’expression d’un diplomate de l’île.
Depuis mai 2016 et l’arrivée au pouvoir de cette Angela Merkel
d’Asie,
Taipei et Pékin ne se sont jamais parlé. Les contacts sont rompus. Les deux
capitales ont échangé menaces, démonstrations de force, rappels à l’ordre et
aux principes. Dans ce qui traduit une escalade verbale jamais atteinte, Tsai
Ing-wen a raconté ce lundi à l’AFP comment son pays faisait face à des «pressions énormes» de la part de la Chine, appelant la communauté internationale
à «contenir» les ambitions de
Pékin.
Les
deux rives du détroit de Formose sont séparées depuis 1949 et la fin de la
guerre civile chinoise. Taiwan est de facto indépendant et jouit de tous les
attributs d’une démocratie vivante et installée, que la Chine souhaiterait
mettre à nouveau au pas, quitte à la reprendre par la force. Pékin souhaiterait
que Taipei endosse les termes du consensus de 1992, un accord ambigu
stipulant qu’il n’y a qu'«une seule Chine» avec des interprétations différentes.
«Influence
hégémonique»
Lundi,
la présidente Tsai Ing-wen, comme elle n’a
cessé de le faire depuis son élection, a insisté pour dire tout ce qui différenciait
les deux régimes, insistant sur les menaces posées par la Chine. «Ce n’est pas seulement un défi pour Taiwan, c’est un défi pour la
région et pour le monde entier. Parce qu’aujourd’hui, c’est Taiwan, mais demain
n’importe quel autre pays pourrait avoir à affronter l’expansion de l’influence
chinoise», a indiqué la présidente issue des rangs du parti
démocratique progressiste. «Leur démocratie, leur liberté,
leur liberté de faire des affaires pourraient un jour être affectées par la
Chine. […] Nous devons travailler ensemble pour réaffirmer les valeurs de la
démocratie et de la liberté afin de contenir la Chine et minimiser l’expansion
de son influence hégémonique.»
Dans un
souci d’apaisement, la présidente a pris en modèle le sommet Kim-Trump de Singapour qui, selon
elle, «offre matière à réflexion». «Leurs deux pays sont très éloignés en termes de valeurs culturelles et
autres, de même que par leurs positions respectives, a détaillé Tsai
Ing-wen. Mais ils ont été capables de
s’asseoir et de parler à Singapour sur la base du respect et de la réciprocité
mutuels. Je crois qu’il s’agit d’un développement positif pour la communauté
internationale. C’est aussi un encouragement pour les pays qui ne sont pas sur
la même longueur d’onde.» En 2015, les deux rives du détroit s’étaient d’ailleurs
retrouvées à Singapour pour une rencontre historique entre le président
Xi Jinping et son homologue taïwanais Ma Ying-jeou (2008-2016).
«Guerre
psychologique»
Mais
cette fois, Taipei et Pékin sont loin de la table de discussion. Taiwan doit
faire face à «l’attitude arrogante de la Chine
populaire» et composer avec les «arrière-pensées
politiques d’un régime autoritaire»,selon l’expression de l’ambassadeur Zhang
Ming-Zhong, représentant de Taiwan en France. Depuis six mois, il
documente les «opérations d’intimidation de
toutes sortes à l’encontre de Taiwan» : incursions chinoises
récurrentes dans l’espace aérien taïwanais ; exercices militaires grandeur
nature avec le déploiement du Liaoning, le premier porte-avions chinois, près
des côtes de l’île ; ouverture de couloirs aériens qui présentent des «risques sécuritaires» dans le détroit de Formose, bref, ce qui ressemble à «guerre psychologique», selon l’expression employée en décembre par le ministre de
la Défense de Taiwan, Feng Shih-kuan.
Pékin a
fait également pression sur d’importantes entreprises internationales pour
qu’elles référencent Taiwan comme faisant partie de la Chine sur leurs sites
internet. Tout en manœuvrant afin que l’île soit exclue de grands événements
internationaux et isolée sur la scène diplomatique. Ainsi, en mai, le
Burkina Faso est devenu le dernier pays en date à rompre avec Taiwan, l’île
n’étant plus reconnue que par 18 Etats. L’isolement à petit feu.
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