Sept gouverneurs ont démobilisé leurs troupes de la
garde nationale stationnées à la frontière. Au Capitole, Trump a été interpellé
avec virulence par des élus.
Tenant le cap malgré le déluge de critiques, Donald Trump
assumait toujours, mardi 19 juin, sa politique de « tolérance
zéro » aux frontières, appelant les républicains à avancer sur une vaste réforme de l’immigration qui mettrait fin
aux séparations des familles de clandestins tout en finançant son mur à la
frontière avec le Mexique.
Entre le 5 mai et le 9 juin,
2 342 jeunes migrants ont été séparés de leur famille, fuyant pour la
plupart la violence qui ronge l’Amérique centrale. La politique du président
états-unien prévoit que tous les clandestins franchissant illégalement la
frontière soient poursuivis au pénal. Or les enfants ne peuvent pas êtreincarcérés,
et sont donc séparés de leurs parents. Les précédents gouvernements avaient
privilégié des poursuites au civil, ce qui évitait ces situations.
·Des gouverneurs rappellent leurs troupes
déployées à la frontière
Les gouverneurs de plusieurs Etats des Etats-Unis –
Maryland, Delaware, Massachusetts, New York, Rhode Island, Connecticut et
Virginie – ont démobilisé les troupes de leur garde nationale, pour que
celles-ci ne participent pas aux opérations à la frontière avec le Mexique.
Donald Trump avait appelé en avril au déploiement de milliers de soldats de la
garde nationale afin d’empêcher les passages illégaux.
« Plus
tôt dans la journée [du mardi 19 juin], j’ai ordonné aux quatre membres d’équipage d’un
hélicoptère de revenir du Nouveau-Mexique où ils
étaient stationnés », a déclaré le gouverneur républicain du Maryland, Larry
Hogan. « Tant que l’administration Trump continuera cette politique
inhumaine, la Virginie n’assignera aucune ressource à des opérations de
surveillance de la frontière qui pourraient activement ou tacitement participer à une telle politique », a pour sa part fait savoir le gouverneur démocrate Ralph
Shearer Northam.
« Dans
des circonstances habituelles, nous n’hésiterions pas à mobiliser des troupes quand elles sont
appelées. Mais sachant la politique appliquée actuellement, je ne peux, en
conscience, envoyer des troupes du Delaware contribuer à une telle mission », a abondé le gouverneur démocrate
John C. Carney. L’action de ces élus reste néanmoins majoritairement
symbolique, leurs Etats n’étant pas les plus grands contributeurs des troupes
envoyées sur place.
·Un face-à-face
virulent et rarissime au Capitole
D’autres élus démocrates ont interpellé, mardi, avec
virulence le président Trump pour dénoncer les
séparations de familles de clandestins. Un face-à-face rarissime dans les
couloirs d’ordinaire feutrés du Capitole.
« Monsieur le président, vous avez pourtant des
enfants ! Vous avez pourtant des enfants M. le président. Est-ce que
vous aimeriez qu’on sépare vos enfants ? », a crié Juan Vargas, élu de
Californie à la Chambre des représentants. Le milliardaire s’est contenté de
se retourner et de saluer en souriant en direction des
caméras, derrière cette demi-douzaine de démocrates qui portaient des photos
d’enfants en pleurs et des panneaux avec le slogan « les
familles doivent être ensemble ». « Arrêtez de séparer les enfants ! », lui a lancé un autre élu.
Donald Trump sortait d’une réunion d’environ trois
quarts d’heures avec sa majorité à la Chambre pour parler d’une
réforme de l’immigration qui peine à voir le
jour. Loin de fléchir face
à la controverse, il pousse les républicains, pressés de voir cesser l’avalanche
de récits déchirants d’enfants séparés, à présenter un
texte qui réglerait cette situation tout en comprenant ses exigences, notamment
le financement d’un mur à la frontière.
Pendant
la réunion, le président a assuré qu’il soutiendrait tout projet républicain de
loi qui réglerait « la crise à la frontière et le problème des
séparations de familles en permettant la rétention et l’expulsion des
familles » sans les séparer, à condition qu’il
inclue ses autres exigences : « construire le mur » à la frontière mexicaine et limiter l’immigration légale, selon son
porte-parole, Raj Shah.
·La ministre de la
sécurité intérieure prise à partie
Lors d’une conférence de presse organisée
précipitamment lundi après-midi à la Maison Blanche, la ministre à la sécurité
intérieure états-unienne, Kirstjen Nielsen, s’était affirmée comme le visage de
la « tolérance
zéro ». Aux cris de « honte à vous ! », mardi, des activistes
ont interrompu avec fracas son dînerdans
un restaurant mexicain de Washington.
« Ministre
Nielsen (…),
comment pouvez-vous prendre plaisir
à mangermexicain
alors que vous déportez et emprisonnez des dizaines de milliers de personnes
venues demander l’asile
aux Etats-Unis ? », lui lance un homme dans une vidéo
d’une dizaine de minutes publiée sur les réseaux sociaux.
« Honte,
honte, honte ! Honte à vous ! », scandent longuement
les activistes de Metro DC Democratic Socialists of America, qui a organisé
l’action. Dans un communiqué, l’organisation a expliqué qu’elle ne laisserait
pas Kirstjen Nielsen « manger
en paix alors qu’elle ordonne à ses employés d’arracher des petites filles à
leurs mères et des petits garçons en pleurs à leurs pères ».
·A l’étranger, le Mexique condamne et le
Canada est « interloqué »
« Je
veux au nom du gouvernement et du peuple mexicain exprimer la
plus catégorique et énergique condamnation de cette politique cruelle et
inhumaine », a déclaré le ministre des affaires étrangères
mexicain, Luis Videgaray, mardi, en conférence de presse. « Nous lançons un appel au
gouvernement américain, au plus haut niveau, pour qu’il reconsidère cette
politique et donne priorité au bien-être et aux droits des petits garçons et
petites filles, indépendamment de leur nationalité et de leur situation
migratoire », a déclaré M. Videgaray.
Au nord, le Canada est « interloqué » par
la séparation des familles de migrants qui entrent clandestinement aux
Etats-Unis, a dit mardi le ministre de l’immigration, Ahmed Hussen, notant
qu’Ottawa « surveille » le
respect du droit d’asile par les autorités américaines. « Ce qui se passe aux Etats-Unis est
tout simplement inacceptable », a même ajouté Marc Garneau,
ministre des transports, s’exprimant lui aussi devant les députés fédéraux.
Le Guatemala a lui aussi exprimé mardi sa « préoccupation » face
aux séparations de familles arrivant clandestinement aux Etats-Unis. Le Chili
également, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Roberto
Ampuero, a dénoncé mardi la politique du président Trump.
Les médiateurs des droits de l’homme du Mexique, de
Colombie, d’Equateur, du Guatemala et du Honduras ont demandé à la Cour
interaméricaine des droits de l’homme d’intervenir pour stopper cette
politique « dangereuse ».
Le Monde.fr avec AFP
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire