Le Président
confie à l'Agence de lutte antidrogue la suite des opérations, en partie pour
répondre aux critiques sur sa politique très sanguinaire.
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Aux Philippines, le président Duterte rengaine
sa police antidrogue
Le shérif Rodrigo
Duterte est-il en train d’enterrer sa très meurtrière guerre
antidrogue ? Le président philippin a ordonné mercredi à la police de
cesser ses actions et a confié à la «seule
Agence» de lutte contre la drogue (PDEA) la conduite des
opérations. Et ce jeudi, le chef de la police, Ronald Bato dela Rosa, a confirmé
qu’il mettait un terme à «Oplan Tokhang».
Lancée le 1er juillet 2016,
cette vaste opération qui signifiait à la fois «frapper à la porte» et
«négocier» visait à convaincre dealers et toxicomanes d’arrêter trafic et
consommation avant que la loi ne soit appliquée. Oplan Tokhang était l’axe
principal du projet «Double Barillet» que la police et l’administration Duterte
avaient lancé pour faire tomber barons des cartels et petits poissons de la
drogue dans cet archipel de 103 millions d’habitants en proie au
fléau de la drogue.
Dans les faits, cette action a surtout consisté en une massive
guerre antipauvres qui a fait au moins 12 500 victimes
en quinze mois. A plusieurs reprises, les forces de police ont été montrées du
doigt pour leur responsabilité dans des milliers
d’exécutions extrajudiciaires, pour avoir fabriqué des preuves et bidonné des
rapports d’enquête. Le tout avec l’assurance des plus hautes personnalités
de l’Etat que ses agents ne seraient pas poursuivis pour avoir abattu des
suspects présumés. En août, le meurtre
de Kian, un lycéen de 17 ans, par deux policiers avait suscité
une vague de protestation à travers le monde, mais également aux Philippines,
où des manifestations avaient été organisées lors des obsèques. Par la voix de
l’archevêque de Manille, Luis Antonio Tagle, la très influente Eglise
catholique avait appelé à cesser le «gâchis de vies humaines».
Satisfaire les «cœurs sensibles» et…
les «mecs stupides de l’Union européenne»
Le communiqué du palais présidentiel ne précise pas les
raisons d’une telle décision. Mais il est probable que la forte baisse
d’opinion favorable dans les sondages concernant l’action
de Duterte ait joué un rôle. Ces mauvais chiffres s’ajoutent aux critiques
de plus en plus véhémentes de l’Union européenne, d’ONG et d’experts
indépendants qui, depuis un an, s’inquiètent d’une redoutable
détérioration de l’Etat de droit et d’un climat d’impunité aux Philippines.
Ce jeudi, le président Duterte a d’ailleurs espéré que sa décision satisferait
les «cœurs sensibles et les
médias», ainsi que les «mecs
stupides de l’Union européenne».
La police et l’administration ont justifié leur changement
tactique par une raison stratégique. Ils ambitionneraient de se concentrer sur
les gros bonnets de la drogue, les «échelons
supérieurs du crime organisé, ainsi que leurs protecteurs dans le
gouvernement», comme l’a déclaré ce jeudi le porte-parole de la
présidence, Ernesto Abella. Mais il faut prendre cette annonce avec
circonspection. En janvier, après
le meurtre sordide d’un homme d’affaires sud-coréen, Jee Ick-joo, dans les
locaux de la police philippine, Duterte avait annoncé une suspension de
Oplan Tokhang, confié sa charge à l’Agence antidrogue avant de la relancer
quelques semaines plus tard à grande échelle.
Opération antiripoux
Ces derniers jours, le patron de la police, Ronald Bato
dela Rosa, a rappelé qu’il souhaitait profiter de la réorganisation pour
procéder à un «nettoyage en
interne», une opération antiripoux dans ses équipes. Il a également
insisté pour dire que les critiques contre la guerre antidrogue n’avaient en
rien eu la peau de l’opération Oplan Tokhang.
Selon lui, la PDEA poursuivra la mission de la police.
Mais une question demeure : avec quels moyens ?
Avec 1 800 hommes, l’Agence antidrogue philippine aura du mal à
rivaliser avec les 190 000 policiers que compte le pays. Le mémorandum
présidentiel demande aux officiers de «maintenir la visibilité de la police, comme une force de dissuasion
aux activités illégales». A condition de faire dans le ménage dans
ses rangs et de mettre au pas les nombreuses milices et groupes de vigilance
engagés dans la sale guerre antidrogue.
Par Arnaud Vaulerin
— 12 octobre 2017 à 18:45
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