Le rapport publié par la Fédération internationale
des ligues des Droits de l’Homme sur la RDC est particulièrement
inquiétant. La FIDH redoute une généralisation des violences à neuf mois
d’une présidentielle incertaine. Tout semble indiquer que la
déstabilisation en cours est «instrumentalisée» par le pouvoir, estime
Justine Duby, l’auteure du rapport de la FIDH qui s’est confiée à
Géopolis.
Alors que Kinshasa vient d’annoncer la découverte des corps de deux
experts de l’ONU disparus le 12 mars dans le centre de la RDC, la FIDH
et ses ONG partenaires congolaises redoutent une terrible descente aux
enfers si rien n’est fait pour arrêter les dégâts.
«Les violations des droits humains qui sont commises depuis 2016 sur
le territoire de la RDC ainsi que les violences liées au contexte
électoral se sont intensifiées de façon inquiétante et de façon
continue. Les Nations Unies indiquent une hausse de 30% des violations
depuis 2016 dont les forces de sécurité du régime de Joseph Kabila sont
les principales responsables, confie à Géopolis Justine Duby, chargée de programme du bureau Afrique de la FIDH».
Justine Duby, chargée de programmes au Bureau Afrique de la FIDH,
est l'auteure du rapport sur la situation politique et sécuritaire de la
RDC. © Photo/FIDH
Les violences ont gagné le centre du pays
Alors que le Conseil de sécurité doit renouveler le mandat de la mission
de l’ONU en RDC, la FIDH fait un bilan catastrophique de la situation
politique et sécuritaire du pays. Tous les clignotants sont au rouge et
le bilan des victimes ne cesse d’augmenter, en toute impunité.
«Depuis 2016, les foyers d’instabilité et de violence se sont multipliés en RDC. Il
y a d’abord la recrudescence des violences et des massacres dans des
zones qui connaissent des conflits de longues dates. Des conflits
identifiés. C’est le cas dans les provinces du Kivu, à l’est de la RDC,
où plusieurs dizaines de groupes armés et de milices opèrent et se
livrent à des luttes de pouvoir qui ont des conséquences dramatiques
pour les populations locales prises en otage. Les villages sont très
régulièrement attaqués, pillés, brûlés. Des civils sont exécutés, des
enfants sont recrutés dans les groupes armés. Les femmes, les filles et
les garçons sont victimes de violences sexuelles qui sont parfois
utilisées comme une arme de guerre pour terroriser la population», dénonce la FIDH.
L’auteure du rapport constate que parallèlement à ces foyers de violence
connus, il y a de nouveaux conflits qui ont surgi en 2016 et ont
contribué à une généralisation de ces violences. Dans le centre du pays,
la province du Kassaï oriental est le théâtre de la rébellion Kamwina
Nsapu, du nom d’un chef coutumier du Kassaï entré en conflit avec le
pouvoir central. Son assassinat par les forces gouvernementales a mis
cette région à feu et à sang. 400 personnes y ont trouvé la mort depuis
septembre 2016. Une dizaine de fosses communes ont été recensées par l’ONU.
«D’après nos informations, ce qui se passe dans le Kassaï central,
c’est qu’en fait, depuis 2015, les autorités congolaises ont cherché à
restructurer les chefferies coutumières, notamment en favorisant à des
fins politiques et en vue de préparer le terrain des élections des
notables qui sont affiliés au parti au pouvoir. Le statut de chef
coutumier, chef traditionnel, a été remis en cause. Son pouvoir
coutumier, ancestral a été refusé par les autorités congolaises parce
qu’il ne soutenait pas le président Joseph Kabila.
Des hommes fidèles au chef assassiné, pour la plupart des mineurs armés
de lances, de gourdins, de fétiches et parfois d’armes blanches et de
fusils artisanaux, se sont soulevés contre les symboles du pouvoir de
Kinshasa.
«Cette milice locale s’est mise à attaquer des institutions de
l’Etat, des bureaux administratifs, des tribunaux, des mairies, des
commissariats, des policiers, des militaires dans un but de
revendication, de vengeance de la mort de leur chef. Les autorités ont
répondu par une répression sanglante. Les soldats de l’armée congolaise
ont eu recours à la force de façon disproportionnée et excessive.»
Selon la FIDH, toutes ces violences se déroulent souvent en toute
impunité et semblent être encouragées et instrumentalisées par le
pouvoir de Kinshasa.
«Ce qui nous inquiète, c’est que différents signaux peuvent laisser
penser, sans qu’il y ait nécessairement des preuves objectives, que les
autorités centrales de Kinshasa voient une opportunité au report des
élections dans cette déstabilisation générale qui est en train de
s’installer dans le pays. Quand vous avez une région où les groupes
armés s’affrontent de tous côtés, l’enrôlement des électeurs et
l’organisation des élections deviennent quelque chose d’extrêmement
compliqués», confie Justine Duby à Géopolis.
Une situation politique totalement bloquée
La FIDH constate que la situation politique en RDC reste totalement
bloquée depuis la signature de l’accord du 31 décembre 2016 qui était
censé mettre en place un gouvernement de transition. Elle recommande au
Conseil de sécurité de renforcer la présence de la Monusco à l’est, dans
le centre et dans les grands centres urbains pour sécuriser le
processus électoral.
«Il faut bien comprendre aussi que si le conseil de sécurité de
l’ONU ne saisit pas bien l’enjeu de la situation actuelle et que
finalement la situation se met à dégénérer parce que la Monusco n’est
pas en mesure de répondre aux enjeux sécuritaires, politiques et des
droits humains, la RDC va sombrer de nouveau. C'est-à-dire que tous les
efforts qui ont été déployés et tout l’argent qui a été investi dans
cette mission n’auront servi à rien», souligne Justine Duby.
La FIDH met en garde contre les conséquences dramatiques d’une
déstabilisation générale de la RDC dans une région déjà en proie aux
violences qui agitent le Burundi et le Soudan du Sud.
Par Martin Mateso
le 28/03/2017 à 18H23
le 28/03/2017 à 18H23
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