Le Premier ministre Zhu Enlai, le président Mao Tsé-Toung et le ministre de la Défense Lin Biao, place Tien Anmen en octobre 1967, en pleine Révolution culturelle. Les deux ministres brandissent un petit livre rouge des pensées de Mao. Lin Piao, incarnant la gauche de cette lutte mortelle à la tête du PC chinois, disparaît en 1971, officiellement dans un accident d'avion... |
Il y a 50 ans, la Chine, plongeait dans une tornade
politique qu'on a du mal à imaginer aujourd'hui. Culte de la
personnalité, «Petit Livre rouge», camps de rééducation, guerre civile,
lutte contre les «révisionnistes»... A partir de 1966, sous l'égide de
Mao Tsé-Toung, la «Grande Révolution culturelle prolétarienne» allait
secouer la Chine pendant près de 10 ans.
«Feu sur le quartier général», « La révolution n’est pas un crime, la rébellion est justifiée»...
C'est avec ces slogans qu'à partir de 1966, la révolution repart en
Chine, 17 ans après la prise de pouvoir par les communistes et l'arrivée
de Mao (Zedong selon la nouvelle graphie, Tsé-Toung selon l'ancienne)
au pouvoir. Longtemps considéré par les maoïstes du monde entier comme
un mouvement révolutionnaire spontané pour relancer la révolution
chinoise, la «Grande Révolution culturelle polétarienne» fut en fait
déclenchée par Mao Tsé-toung en mai 1966 pour consolider son pouvoir
après de grosses difficultés politiques et économiques, liées à l'échec
de la politique dite du «Grand Bond en avant».
Elle fut officiellement lancée par une lettre du Parti communiste en
date du 16 mai 1966. Approuvée par Mao, cette circulaire autorise les
attaques contre ceux qui sont «loyaux en apparence et traîtres en secret». Ce texte dénonce une partie du PC qui «au lieu d'encourager tout le Parti à mobiliser sans réserve la masse des ouvriers, des paysans et des soldats (…) cherche par tous les moyens à faire dévier ce mouvement vers la droite». Comme dit Mao, «nous avons à soutenir un long combat contre l'idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise».
Gardes rouges pendant la Révolution culturelle
© school textbook from Guangxi 1971
Derrière ces mots, se dessine la lutte opposant les différentes
tendances au sein du Parti communiste chinois (PCC), entre les tenants
d’une ligne «pure» symbolisée par le maréchal Lin Biao (pouvant aussi
s'écrire Lin Piao), numéro deux du régime, et la ligne plus réformiste,
«révisionniste», de Liu Shaoqi, président de la République, dont le
numéro 2 est Deng Xiaoping.
En août de la même année, le Comité central du Parti communiste chinois
émet un projet de loi (sans doute rédigé par Mao) concernant les «décisions
sur la grande révolution culturelle prolétarienne (qui) vise à liquider
l’idéologie bourgeoise, à implanter l’idéologie prolétarienne, à
transformer l’homme dans ce qu’il a de plus profond, à réaliser sa
révolution idéologique, à extirper les racines du révisionnisme, à
consolider et à développer le système socialiste.»
«Nous devons abattre les responsables du Parti engagés dans la voie
capitaliste. Nous devons abattre les sommités académiques réactionnaires
de la bourgeoisie et tous les “monarchistes” bourgeois. Nous devons
nous opposer à tous les actes de répression contre la révolution. Nous
devons liquider tous les génies malfaisants. Nous devons extirper
énergiquement la pensée, la culture, les mœurs et coutumes anciennes de
toutes les classes exploiteuses. Nous devons réformer toutes les parties
de la superstructure qui ne correspondent pas à la base économique du
socialisme. Nous devons purger la Terre de toute la vermine et balayer
tous les obstacles!» Le langage est dur, les actes le seront aussi.
Pour s'assurer de la victoire sur ses ennemis, Mao s'appuie sur la jeunesse et les Gardes rouges qui, Petit Livre rouge
à la main, se mobilisent par millions à travers le pays.
Symboliquement; Mao se mouille en nageant (comme un poisson dans le bain
révolutionnaire), à 73 ans, dans le Yang Tsé.
En octobre 1966, des dizaines de milliers de Gardes rouges défilent
devant un Mao arborant le brassard de Garde rouge. Il les lancent dans
tout le pays pour porter la bonne parole. Mais pas seulement. Mao disait
que la «révolution n'est pas un dîner de gala». Le fait
qu'elle soit culturelle ne la rend pas moins violente. La Chine connaît
pendant cette période des troubles sanglants. Manifestations,
destructions, emprisonnements se multiplient dans tout le pays sous la
conduite des Gardes rouges qui s’attaquent à tout ce qui ressemble à un
signe de «pouvoir bourgeois».
Dans certains cas, les affrontements tournent à la guerre civile.
Pendant ce temps, au sommet du PCC, les purges s’enchaînent au fil des
alliances. Liu Shaoqi et Lin Biao seront les victimes de ce combat. Le
père de l’actuel président Xi a lui-même été victime de la Révolution
culturelle qui tue et enferme en masse avec des scènes d'humiliation, de
rééducation des professeurs et cadres ou d'autocritique. Le nombre des
victimes est incalculable.
Le «Petit Livre rouge» n'était pas distribué qu'en Chine. On le trouvait en France. © montage PM
Suivant les instructions du Grand Timonier, «on a toujours raison de se révolter».
Résultat, les Gardes rouges mettent le pays à feu et à sang. L'armée
intervient parfois pour ramener le calme. Pendant toute la période, de
grâce en disgrâce, Mao s'appuie sur les uns ou les autres pour asseoir
son pouvoir tandis que Zhou Enlai assure la continuité de l'Etat. La Révolution culturelle a permis à Mao de revenir au pouvoir.
Les grands mouvement de masse s'estompent au début des années 70 même si
les soubresauts politiques continuent, mais ils se traduisent surtout
par une lutte au sommet du PCC.
En septembre 1976, Mao meurt. Ses successeurs choisiront cette date pour fixer la fin de cette «révolution».
Depuis, la Révolution culturelle a été déclarée «grande catastrophe nationale».
Finalement, après la mort de Mao et la chute de la «bande des quatre»,
Deng Xiaoping, qui a réussi à traverser la période, s’est imposé comme
le leader du pays et a pu lancer la Chine sur la voie de la croissance.
Avec lui aussi son slogan : «Enrichissez-vous !» Slogan qui semble avoir
fonctionné, la Chine est devenue la deuxième puissance économique de la
planète.
Par Pierre Magnan
Publié le 15/05/2016 à 12H04
Publié le 15/05/2016 à 12H04
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