Htin Kyaw le 11 novembre 2015à Naypyidaw - STR AFP |
Aung San Suu Kyi a officiellement renoncé jeudi à ses ambitions
présidentielles et proposé un de ses plus fidèles compagnons de
dissidence pour devenir président à sa place.
«Je voudrais
proposer Htin Kyaw au nom de la NLD», a déclaré devant le Parlement Khin
San Hlaing, députée de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), le
parti d'Aung San Suu Kyi.
Celle-ci ne peut accéder - du moins pour
ce mandat - à la présidence en raison d'un article de la Constitution
héritée de la junte, qui interdit la fonction à quiconque a des enfants
de nationalité étrangère, ce qui est le cas d'Aung San Suu Kyi, qui a
deux fils britanniques.
Mais jusqu'à jeudi matin, ses partisans
avaient espéré un revirement surprise et une candidature de la très
populaire Dame de Rangoun elle-même.
Depuis des mois, les
négociations en ce sens avec les puissants militaires s'étaient
poursuivies, en vain. Dans un silence propice aux spéculations, les
rumeurs les plus diverses avaient circulé, évoquant le médecin d'Aung
San Suu Kyi ou son assistante.
Ces derniers jours, le nom de Htin Kyaw, 69 ans, revenait souvent.
Ce
diplômé d'économie est le fils d'un écrivain et poète birman renommé et
un ami d'enfance d'Aung San Suu Kyi. Il se chargea occasionnellement de
jouer les chauffeurs personnels de Suu Kyi.
Les Birmans, qui ont
participé en masse aux législatives du 8 novembre 2015, attendent
maintenant l'élection formelle du président - qui devrait prendre
quelques jours - et la constitution du premier gouvernement élu depuis
des générations, dans un pays ruiné par près de 50 ans de dictature
militaire.
Htin Kyaw «travaille avec Aung San Suu Kyi depuis de
longues années, c'est quelqu'un en qui on peut avoir confiance», a
réagi, interrogé par l'AFP au Parlement, Bo Bo Oo, député de la NLD.
«Bien sûr que je vais voter pour Htin Kyaw», confie-t-il, parmi des centaines de nouveaux élus enthousiastes.
- Pas d'apparition publique -
Htin Kyaw n'était pas présent jeudi au Parlement et n'a pas fait d'apparition publique pour l'heure.
Aung
San Suu Kyi, elle-même députée, n'a pas fait de commentaires, se
bornant à un rare communiqué avant la révélation du nom de Htin Kyaw.
«C'est
une étape importante vers la réalisation des désirs et attentes des
électeurs qui ont soutenu avec enthousiasme la NLD» aux élections de
novembre 2015, dit-elle seulement.
Les commentateurs politiques
soulignent, comme l'historien Thant Myint-U, «l'intégrité» de cette
personnalité respectée de la NLD et membre de la garde rapprochée d'Aung
San Suu Kyi.
Majoritaire au sein des deux chambres du Parlement,
malgré la présence d'un quart de députés militaires non élus, la NLD est
certaine de pouvoir faire élire Htin Kyaw, qui doit remplacer début
avril le président sortant, Thein Sein, ancien général de la junte
chargé de la transition depuis 2011.
Le fait qu'ait été choisi
l'un des proches de Suu Kyi, assez accommodant pour accepter qu'elle
soit «au-dessus» du président, comme elle l'a promis avant le scrutin,
n'a rien d'une surprise.
Htin Kyaw est le candidat de la Chambre
basse du Parlement. La Chambre haute du Parlement, également dominée par
la NLD, a également choisi son candidat, Henry Van Theu, diplômé en
droit et représentant de la minorité ethnique Chin.
Un troisième candidat doit être proposé par les députés militaires non élus.
Mais, sauf surprise, Htin Kyaw sera président, les deux autres candidats vice-présidents.
La
question est maintenant de savoir comment Aung San Suu Kyi pourra mener
à bien les réformes dans les cinq années à venir via Htin Kyaw et
comment elle va négocier la relation avec les militaires, qui restent
incontournables sur le plan politique et nomment trois ministres clés
(Défense, Intérieur et Frontières).
Certaines rumeurs la donnent
ministre des Affaires étrangères, d'autres tirant les ficelles du
gouvernement sans fonctions officielles au sein de l'exécutif, à la
manière d'une Sonia Gandhi en Inde.
Le goût pour la centralisation
du pouvoir par Aung San Suu Kyi, dont au sein même de son parti
certains n'hésitent pas à dénoncer la rigidité et l'absence d'esprit de
concertation, va désormais se retrouver à l'épreuve du pouvoir.
2016 AFP
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