Loin de rompre les relations avec les chefs
d'État étrangers avec qui il s'oppose, Emmanuel Macron privilégie le
rapprochement, voire parfois, l'équilibrisme.
afp.com/STEPHANE DE SAKUTIN
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Il s'oppose frontalement à certains chefs d'Etat, et "en même temps", ne rompt jamais totalement les liens. Voire prend l'initiative d'un rapprochement. Macron joue l'équilibre.
Habile dans l'art du compromis, Emmanuel Macron
joue pour le moment une partition internationale plutôt réussie, à en
croire de nombreux observateurs. Ce jeune président de 39 ans, qui ne
jouissait que d'une faible expérience régalienne dévoile peu à peu son
style, à mesure qu'il s'avance sur la scène internationale. Son dernier
coup: inviter Donald Trump au défilé du 14-Juillet.
Un symbole fort dont l'objectif affiché est de célébrer "les 100 ans de l'entrée en guerre des États-Unis
aux côtés des troupes françaises pendant la Première Guerre mondiale",
précise l'Élysée. Mais plus qu'une invitation prestigieuse, cette
proposition apparaît comme un geste d'apaisement alors que la relation
entre les deux chefs d'État s'est tendue après la décision de Donald
Trump de quitter les Accords de Paris, et l'épisode de la poignée de main, lors du sommet de l'Otan, lorsque Macron a défié Trump.
Ce mercredi, le locataire de la Maison-Blanche a accepté la main tendue,
après avoir affirmé examiner "la faisabilité" d'un tel déplacement. Une
victoire pour Emmanuel Macron, bien révélatrice de son style
diplomatique.
"L'expression de désaccords n'empêche pas la courtoisie"
Le nouveau président n'en est pas à son coup d'essai. Déjà lors de la visite de Vladimir Poutine
le 29 mai dernier, il avait annoncé la couleur, en le recevant sous les
ors de Versailles. Pourtant l'inimitié entre les deux hommes faisait
peu de doute depuis la campagne présidentielle, après le soutien du
Kremlin à Marine Le Pen, et le piratage informatique d'En Marche!,
attribué à des hackers russes.
Finalement,
au moins sur la forme, la rencontre a été perçue comme plutôt "amicale"
par les médias russes, même si elle est restée "nerveuse" sur le fond.
"Dans son attitude vis-à-vis des différents chefs d'État, il y a quelque
chose de très clair, qui est que l'expression de francs désaccords
n'empêche pas la courtoisie", confirme à l'Express Thomas Guénolé,
maître de conférences à Sciences-Po et chercheur à l'Institut des
relations internationales et stratégiques (IRIS).
Pour Christian
Lequesne, chercheur au CERI de Sciences-Po, Emmanuel Macron reprend là
les standards d'une diplomatie d'inspiration gaullo-mitterrandienne: "Il
y a une forme de rupture avec les deux précédents quinquennats, qui
basaient en grande partie leur diplomatie sur la question du respect des
grands principes et de valeurs démocratiques. Il semble y avoir chez
Emmanuel Macron une tendance à la diplomatie des intérêts. On peut le
caractériser comme une sorte de pragmatisme qui voudrait que la France
doit pouvoir discuter avec tout le monde."
Un double jeu stratégique
Souffler
le chaud et le froid auprès de certains dirigeants étrangers avec qui
il n'est pas forcément d'accord ferait partie du logiciel Macron. D'un
côté, exprimer son opposition avec Trump
lorsqu'il décide de quitter les Accords de Paris, de l'autre, l'inviter
au défilé 14 juillet pour ne pas rompre le dialogue. Un changement de
style à l'Élysée, mais aussi une singularité affirme Thomas Guénolé.
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"L'expression
de francs désaccords dans un cadre général de respect et de courtoisie,
c'est assez inhabituel. Soit d'habitude, on est dans la courtoisie voir
la franche camaraderie et c'est l'expression d'une très forte
proximité. Soit a contrario on est dans l'expression d'un désaccord et
on devient facilement agressif ou impoli dans la façon de s'exprimer
avec notre interlocuteur."
Un double jeu stratégique frisant
l'équilibrisme, mais qui relève pour Christian Lequesne du cadre et des
pratiques de la diplomatie professionnelle. "Ce n'est pas une diplomatie
de l'improvisation: les actes et les paroles sont millimétrés et je
pense que cela plaît beaucoup aux diplomates", ajoute-t-il. Une méthode
qui semble fonctionner pour le moment, mais qui pourrait se compliquer
si "l'aura"
qui entoure le président venait à se fragiliser. "Pour l'instant, son
succès à l'élection présidentielle le sert encore, mais si la mise en
oeuvre de ses réformes en France devient problématique, alors il
pourrait perdre en crédibilité auprès des autres dirigeants", prévient
le chercheur.
Paul Veronique,
publié le
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