Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry et son homologue russe, Sergueï Lavrov, déposent des fleurs devant l'ambassade de France à Moscou, le 15 juillet 2016, à la mémoire des victimes de l'attaque terroriste, la veille, à Nice.© Eugene Odinokov/Sputnik/AFP |
GEOPOLIS - La rencontre du 14 juillet 2016 entre Kerry et
Poutine n’a pas permis d’établir une coopération directe contre le terrorisme.
Une fin de non recevoir du Président russe qui ne peut ignorer l’attitude de
ses alliés. Pour Téhéran il ne peut y avoir 2 poids et 2 mesures dans cette
lutte, et pour Damas, sans coopération sécuritaire et politique, il ne peut y
avoir de relations avec les Etats-Unis.
Arrivé à Moscou jeudi soir, après avoir assisté aux célébrations du 14 juillet
à Paris, le secrétaire d’Etat américain s’est entretenu jusqu’à une heure très
tardive avec le Président russe, alors qu’en France on décomptait les victimes
de l’attentat au camion-bélier à Nice.
Moscou ignore la proposition
de Washington d'un commandement commun en Jordanie
John Kerry était venu discuter avec la Russie d’une coopération
militaire plus étroite pour mettre fin «au fléau terroriste» en Syrie. Plus précisément, selon le
Washington-Post, le chef de la diplomatie américaine devait proposer
l’établissement d’un centre de commandement commun en Jordanie pour coordonner
les raids aériens contre les djihadistes.
Outre les combattants de l’organisation de l’Etat islamique, le responsable
américain devait élargir les cibles à ceux du front Al-Nosra, la branche
syrienne d’Al-Qaïda. En échange, l’aviation russe devra limiter ses frappes aux
cibles choisies avec les Etats-Unis, et la Syrie s’abstenir de bombarder les
rebelles modérés soutenus par Washington.
Des propositions qui ne semblent pas avoir trouvé grâce aux yeux du Président
Poutine. «Le thème d’une
coopération militaire directe pour la lutte antiterroriste n’a pas été discuté»,
s’est borné à déclarer le porte-parole du Kremlin.
L’échange d’informations dans ce domaine «se poursuit, mais nous ne nous sommes malheureusement toujours pas
rapprochés d’une coopération réelle destinée à accroître l’efficacité des
efforts dans la lutte contre le terrorisme en Syrie», a constaté
Dmitri Peskov.
Poutine ne peut ignorer la
position de Téhéran et Damas
Même si le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui assistait à la
rencontre a tenté d’atténuer le refus en jugeant «utile» le dialogue avec John
Kerry, la proposition américaine a bien reçu un camouflet. Dans une
allocution télévisée débutant par «cher
François»,
Vladimir Poutine a certes présenté ses condoléances au président Hollande
et au peuple français.
Mais concernant la lutte contre le terrorisme, le chef du Kremlin doit
également tenir compte des positions de ses deux principaux points d’appui dans
la région, la Syrie et l’Iran. Ce dernier a condamné «avec force l’acte criminel terroriste à
Nice» et «offert ses
condoléances» à la France, non sans émettre une réserve.
«Comme nous l’avons dit dans le
passé, le terrorisme est un fléau qui ne peut être déraciné sans une unité et
une collaboration internationales» a déclaré le porte-parole du
ministère iranien des Affaires étrangères. Bahram Ghasemi a toutefois
prévenu que toute politique «de
deux poids deux mesures dans la lutte contre le terrorisme sera vouée à
l’échec».
Bachar al-Assad met en garde
contre le danger djihadiste «pour le reste du monde»
Quant à la Syrie, elle n'a même pas annoncé l’attaque terroriste de Nice. Mais
dans un entretien accordé à la chaîne
américaine NBC et diffusé le jour même, c'est-à-dire le 14 juillet avant
l’attaque meurtrière de Nice, le président Bachar al-Assad avait exclu toute
coopération avec les Etats-Unis.
Interrogé sur le fait de savoir s’il communiquerait aux Américains des
informations en sa possession sur un éventuel attentat de Daech contre eux,
Bachar al-Assad a répondu: «Oui,
en principe», pour épargner les civils. «Mais ce n’est pas réaliste pour une raison, a-t-il précisé, parce qu’il n’y a pas de relations entre
nous et les Etats-Unis».
«Ce genre d’informations
nécessite une coopération sécuritaire basée sur une coopération politique. Et
nous n’avons ni l’une ni l’autre», a encore expliqué le Président
syrien.
Lors de cet entretien, Bachar al-Assad en avait profité pour réaffirmer la
nécessité de lutter contre les terroristes de l’Etat islamique, «car s’ils arrivent à s’échapper, c’est là
qu’ils commenceront à exporter le terrorisme en Europe, comme cela s’est
produit récemment en France», en allusion aux précédents attentats
sur le territoire français.
«Si nous réussissons à les
vaincre ici, et qu’ils ne peuvent rentrer (dans leurs pays
d’origine NDLR), c’est là que
nous aidons les autres. S’ils réussissent à repartir, ils seront un danger pour
le reste du monde», a-t-il mis en garde.
Publié le 16/07/2016 à 13H42
Par Alain Chemal
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