Le Premier ministre chinois Li Keqiang reçu en mai
2015 par le président colombien Juan Manuel Santos au cours d'une visite officielle au fort potentiel économique. © GUILLERMO LEGARIA / AFP |
Traditionnelle terre de labour des multinationales
nord-américaines, l'Amérique du Sud semble désormais aimanter les
investissements chinois. En visite officielle au Brésil, en Colombie, au
Pérou et enfin au Chili, le Premier ministre chinois Li Keqiang ne
s'est pas montré avare de promesses. A la clé, 250 milliards de dollars
investis d'ici à 2025. Un record.
Roulements de tambour et revues
militaires, les quatre pays sud-américains recevant le chef du
gouvernement chinois, en place depuis 2013, ont fait les choses en
grand.
A Bogota, où la visite de M. Li constituait, les 21 et 22 mai 2015, le
premier déplacement d'un Premier ministre chinois en Colombie, on avait
déroulé des kilomètres de tapis rouge lors de la cérémonie d'accueil,
devant le palais présidentiel Narino. Le développement stable des
relations bilatérales entre les deux pays ces dernières années pourrait
bien connaître une accélération marquante. L'implication sans réserve du
président Santos dans le processus de paix engagé avec les guérillas
marxistes, en particulier les Farc, y serait pour beaucoup.
«La Chine, a déclaré M. Li, est disposée à participer activement à la reconstruction de l'après-conflit».
Certes soumis au succès des pourparlers de paix, le positionnement
chinois sur le marché colombien n'en représente pas moins le signal
d'une nouvelle ère économique pour la Colombie.
Aux côtés du président Juan Manuel Santos, le dirigeant chinois s'est plu à faire la promotion du savoir-faire de l'empire du Milieu. «La
Colombie, dans ce processus de promotion de la paix dans son pays, va
avoir une grande demande et va créer des conditions plus favorables pour
la construction d'infrastructures», a-t-il anticipé lors d'une conférence de presse, entrevoyant les nombreux débouchés pour son pays. «En la matière, la Chine présente ses propres avantages et son expérience», a indiqué M. Li.
Parmi les projets que la Chine pourrait contribuer à financer à hauteur
de 8 millions de dollars, la construction d'un axe routier dans la
région agricole de l'Orinoquia (centre-ouest), ainsi qu'un parc
industriel à Buenaventura, le principal port colombien sur le Pacifique.
Tout un continent à conquérir
Rien à voir cependant avec ce que mijote le pouvoir chinois au Brésil,
au bord de la récession économique. Lors du séjour de M. Li à Brasilia,
les deux pays ont signé 35 accords représentant un plan
d'investissements de 53 milliards de dollars, en particulier dans le
secteur des infrastructures.
Dilma Roussef, la présidente brésilienne, s'est prise à rêver de la réalisation du projet pharaonique de «couloir ferroviaire et maritime»
devant relier, à travers l'Amazonie, l'Atlantique au Pacifique. Un axe
entre Brésil et Pérou - qui s'est dit favorable à ce train
transcontinental financé par la Chine - destiné à acheminer à moindre
coût les minerais et les produits agricoles d'Amérique du Sud vers les
côtes chinoises.
Le tracé de ce «canal de Panama ferroviaire», long de 5300 km, n'est pas
encore choisi mais les écologistes locaux s'inquiètent. Pour eux, le
défi est trop risqué et la forêt amazonienne, déjà très détériorée,
pourrait avoir du mal à se remettre d'un tel chantier. Sans compter les
communautés indiennes de l'Amazonie brésilienne comme des Andes
péruviennes, dont le mode de vie s'en trouverait perturbé.
Quant au Chili, premier pays latino-américain avec lequel Pékin a signé
un traité de libre-échange en 2006, l'ordre du jour de la rencontre
officielle était surtout axé sur la «coopération financière».
Selon certains médias américains, si la Chine a décidé de frapper un
grand coup économique dans une région traditionnellement
considérée comme l’arrière-cour de Washington, c'est pour venir titiller
les Etats-Unis près de chez eux. Une conquête qui pourrait
constituer un nouvel acte dans la guerre d’influence que se livrent les
deux puissances.
Dernier épisode favorable à Pékin: en mars 2015, certains alliés
historiques de Washington - dont le Royaume-Uni et la France - ont
décidé de soutenir le nouveau projet chinois de banque d'investissement régionale (AIIB) contre l'avis des Américains. Une banque destinée à élargir encore l'influence de la Chine sur le reste de l'Asie.
Une influence qui ne cesse de s'étendre partout dans le monde.
Par Véronique le Jeune | Publié le 26/05/2015 à 08H36, mis à jour le 26/05/2015 à 08H36