Cette nouvelle
visite controversée, après celle du Hongrois Orbán, est justifiée
officiellement par l'importante communauté philippine vivant en Israël. Mais
des accords pétroliers et de ventes d'armes seraient aussi au programme.
Mais cette visite historique (la
première depuis l’ouverture de relations diplomatiques entre les deux pays en
1957) fait aussi parfaitement sens. Depuis le début des années 2000, l’Etat
hébreu compte une importante communauté philippine, estimée aujourd’hui à 30
000 personnes, dont 85% de femmes, qui envoient dans leur pays natal environ
100 millions d’euros de devises par an. Ces dernières travaillent presque
exclusivement dans le secteur de l’aide à la personne, auprès de l’importante
population vieillissante israélienne. Un phénomène de société, au point que le
mot hébreu metapelet («celle qui aide»)
est presque devenu synonyme de «femme philippine».
«Papa Digong»
Lundi, lors de sa rencontre avec
Duterte, Benyamin Nétanyahou a souligné «les soins remarquables» prodigués par l’une d’elles à son père centenaire jusqu’à
sa mort. De son côté, Duterte a assuré la presse de son pays qu’il venait
vérifier que ses concitoyens étaient «bien protégés»malgré
la «situation volatile» dans
la région (il doit aussi se rendre en Jordanie, où travaillent
48 000 Philippins).
En signe de bonne volonté,
Benyamin Nétanyahou a annoncé ce lundi l’abolition des coûteux frais d’agence
(aux alentours de 10 000 euros) que devaient débourser les Philippins
candidats à l’expatriation. Celle-ci devrait rester limitée à cinq ans ou
jusqu’au décès de l’employeur au-delà de cette date, comme il est l’usage. De
quoi renforcer la popularité de «Papa Digong», son surnom, auprès de la
communauté locale, en témoignent les tee-shirts à sa gloire vendus dans les quelques
échoppes des «Little Manilla» de Jérusalem et Tel-Aviv.
A la tête d’une pléthorique
délégation (400 personnes), Duterte n’est cependant pas venu que pour se
pencher sur le sort des aides à domicile. Celui qui a déclaré à son arrivée,
sans ironie apparente, «partager la même passion pour la paix […] et les êtres humains» que Benyamin Nétanyahou devrait aussi signer d’importants
accords commerciaux, non-inscrits à l’agenda officiel mais éventés par la
presse.
Vente immorale
Duterte doit parapher un accord
réservant l’exploitation d’un gisement pétrolier offshore à la compagnie
israélienne Ratio Oil Exploration. En outre, une démonstration «d’armement avancé» serait au programme pour l’homme fort philippin, son
gouvernement ayant même réservé une enveloppe de 56 millions de dollars (48
millions d’euros) pour s’offrir des armes et des bateaux de patrouille pour sa
garde maritime.
Une vente immorale aux yeux de
plusieurs ONG israéliennes, au nom de la sanglante
guerre contre le trafic de drogues
menée par Duterte dans son pays, ce dernier ayant lancé une campagne
d’exécutions sommaires qui a fait des milliers de morts parmi les dealers et
les usagers. Les activistes doivent manifester mardi à Jérusalem devant la
résidence du président israélien Reuven Rivlin lors de la réception de son
homologue. Si l’ambassade philippine a assuré que Duterte n’avait rien contre ces
manifestations, celui-ci a annoncé la couleur en disant partager lundi une
autre «passion» de Nétanyahou :
celle de «ne pas laisser nos pays être détruits par ceux qui ont des idéologies
corrompues».
Guillaume Gendron correspondant à Tel-Aviv3 septembre 2018 à 17:45
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