Le journaliste russe Arkadi Babtchenko (au centre) rencontre le président ukrainien Petro Porochenko (à gauche), le 30 mai 2018 |
Le
journaliste russe Arkadi Babtchenko, qui avait été donné pour mort, victime
d’un assassinat mardi soir à Kiev, est en réalité bien vivant. Les services de
sécurité d’Ukraine, le SBU, l’avaient fait disparaître pour mener une
« opération spéciale » et arrêter ses assassins potentiels. Mais ce
coup de théâtre interloque et le débat fait rage sur la pertinence de la
méthode, en Ukraine et au-delà.
La joie qui a accompagné la réapparition d’Arkadi
Babtchenko était indéniable mercredi. D’autant que l’opération se solde
par un franc succès, selon les services ukrainiens. Le SBU assure que les
tueurs potentiels ont été placés sous les verrous.
L’émotion a néanmoins rapidement fait place à de
sérieuses interrogations en Ukraine. Le SBU affirme qu’un complot russe prévoyait
de tuer 30 personnes dont le journaliste, mais n’a pas fourni de preuves pour
étayer son accusation.
Pour certains, cette opération nuirait à la
crédibilité des autorités. Pour d’autres, c’est l’intégrité du journalisme face
aux « fake news » qui est remise en cause.
Des
« vrais » assassinats non résolus
Le côté fantasque de cette affaire détonne aussi avec la
série d’assassinats de ces dernières années, pour beaucoup non résolus. En
juillet 2016, le journaliste Pavel Sheremet était tué dans le centre de Kiev.
Petro Porochenko avait alors promis des résultats rapides
dans l'enquête. Près de deux ans plus tard, les meurtriers courent toujours, et
le SBU a été accusé d’avoir entravé l’enquête. Des questions que la
réapparition d’Arkadi Babtchenko ne peut faire oublier.
Crédibilité
et risque de réplique
L’ONG Reporters sans frontière estime que si la
réapparition du journaliste est « un grand soulagement », « il
est navrant et regrettable que les services ukrainiens aient joué avec la
vérité, quel qu'en soit le motif ».
Mais Kiev risque de payer cette mise en scène, estime pour
sa part Cyrille Bret, professeur à Sciences Po. Tant auprès des alliés
européens, avec une crédibilité désormais entachée par cette affaire, que
vis-à-vis de Moscou, qui pourrait bien prendre des mesures de représailles.
Il y a un risque de réplique russe. Notamment des
opérations clandestines, cette fois-ci couronnées de succès, des rétorsions sur
le terrain et, évidemment, une campagne anti-ukrainienne. Et à plus long terme,
les opérations qui se dérouleront sur le sol ukrainien de la part de tel ou tel
service russe seront mieux cachées, puisque quand l’Ukraine criera aux loups,
peu de gens la croiront.
Publié le 31-05-2018
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