Près de la zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, côté sud, mercredi. |
La guerre des
boutons va-t-elle compromettre les hypothétiques retrouvailles coréennes ?
Dans une énième surenchère tweetée dont le registre relève plus de la cour
d’école que de la Maison Blanche, Donald Trump s’est de nouveau montré menaçant
au moment ou les deux Corées envisagent de se retrouver autour d’une table de
négociations. Mardi soir, le président américain a vertement répliqué aux
déclarations, la veille, du leader nord-coréen Kim Jong-un.
Le 1er janvier, celui-ci avait appelé les Nord-Coréens à «produire en masse des têtes nucléaires et des
missiles», ajoutant que le «bouton nucléaire
est toujours sur mon bureau. Les Etats-Unis doivent prendre conscience que ce
n’est pas du chantage, mais la réalité».
Trump a rétorqué sans
tarder : «Le leader nord-coréen Kim
Jong-un vient juste d’affirmer que le "bouton nucléaire est sur son bureau
en permanence"», a écrit le président
américain mardi soir […] informez-le que moi
aussi j’ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant
que le sien, et le mien fonctionne!» Le
président américain a-t-il compris que son tweet pouvait être lu comme une
reconnaissance tacite du statut nucléaire de l’Etat nord-coréen ?
Conflit fratricide
La tonitruante sortie présidentielle
sur la Corée du Nord intervient au moment où Pyongyang et Séoul multiplient les
déclarations et les gestes d’ouverture entre eux comme jamais depuis deux ans.
Mais elle n’a pas dissuadé les Coréens de part et d’autre du 38e parallèle de relancer,
mercredi, le téléphone rouge, coupé depuis février 2016. Instauré en 1972
dans le village de Panmunjon, il permet le dialogue transfrontalier, deux fois
par jour, entre les deux pays qui sont techniquement toujours en guerre :
ils ont signé un armistice le 27 juillet 1953 à
l’issue du très meurtrier conflit fratricide intercoréen, mais n’ont jamais finalisé un plan de paix.
Ce téléphone sert de baromètre des
tensions sur la péninsule. Quand la situation s’envenime à la suite d’un essai
nucléaire, d’un tir de missile, d’un accrochage en mer ou sur la ligne de démarcation (DMZ), la ligne est coupée avant d’être rétablie à la faveur d’un
réchauffement.
Mercredi, les deux Corées se sont
parlé pendant vingt minutes. Cet appel suit deux jours de mains tendues
par-delà la DMZ. Dans ses vœux lundi, Kim Jong-un avait appelé au «succès des Jeux olympiques de Pyeongchang», qui démarrent au Sud le 9 février. Les deux capitales
doivent «tourner le dos au passé, améliorer leurs relations
et mettre en place des mesures décisives pour réaliser une percée dans les
efforts pour parvenir à la réunification» de
la péninsule, avait-il poursuivi.
La Maison Bleue, le palais de
l’Elysée sud-coréen, s’était félicitée de ce nouveau ton de Pyongyang. Avant de
proposer une rencontre intercoréenne de haut niveau le 9 janvier à
Panmunjon, ce qui n’est plus arrivé depuis 2015. Sudistes et nordistes
devraient évoquer les JO et la participation du
nord, mais aussi «d’autres questions d’intérêt mutuel pour l’amélioration des relations
intercoréennes».
Palace flottant
En signe d’apaisement et de
conciliation, le gouverneur sud-coréen de la province qui accueillera les JO à
compter de février a proposé d’affréter un bateau de croisière pour aller
chercher les Nord-Coréens et les héberger durant les Jeux d’hiver. En 2002,
lors des Jeux asiatiques de Busan, la délégation du Nord était déjà venue à
bord d’un véritable palace flottant qu’elle avait utilisé comme camp de base
pendant les épreuves.
Mais pour l’heure, la présence des
nordistes n’est pas confirmée. La participation de la Corée du Nord reste
tributaire des tensions dans la péninsule. Depuis 1994 et une grave crise
nucléaire avec les Etats-Unis qui avait failli dégénérer en conflit ouvert,
jamais les risques d’une guerre n’ont été aussi élevés. Le face-à-face entre un
Donald Trump va-t-en-guerre imprévisible et un Kim Jong-un déterminé à
développer son arsenal balistique et nucléaire est allé crescendo depuis un an.
Malgré les signes de bonne volonté
exprimés par Pyongyang et Séoul, Washington ne s’est guère montré enjoué. Outre
les tweets de Trump, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley,
a estimé que les discussions intercoréennes ne seraient qu’un simple «rafistolage».Pour la porte-parole du
département d’Etat, Heather Nauert, Kim Jong-un «pourrait être en train de tenter d’enfoncer un coin» entre Séoul et Washington.
Séoul pourrait malgré tout être
tenté de repousser après les JO les manœuvres militaires
américano-sud-coréennes Foal eagle et Key Resolve qui, tous les ans, agacent la
Corée du Nord à tel point qu’elle multiplie tirs et provocations.
Rayon de soleil
Depuis l’arrivée de Moon Jae-in à la présidence de la
Corée du Sud, c’est la première fois que
Kim Jong-un répond aux offres de dialogue du Sud. De par son passé d’artisan de
la politique du rayon de soleil, qui a contribué au réchauffement des relations
entre les deux frères ennemis dans les années 2000, Moon milite pour un
apaisement et engagement avec le nord. Dans son entourage, certains sont allés
jusqu’à évoquer une certaine «flexibilité» sur le nucléaire
nord-coréen.
Le 6 juillet, dans la capitale
si symbolique de Berlin, Moon s’était livré à un long discours plaidoyer pour un
rapprochement avec Pyongyang. Il
n’avait pas été entendu par la Corée du Nord, ni par les Etats-Unis, tous les
deux lancés dans une surenchère guerrière. Ces dernières soixante-douze heures,
en dépit des tweets de Trump, l’air de la guerre semble avoir perdu en
intensité.
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