Manifestation contre le régime de Bachar Al-Assad, le 29
janvier 2016, à Genève. FABRICE COFFRINI / AFP
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Après six ans et demi de guerre, le scénario est désormais bien rodé. Pour protéger son
alliée, la Syrie, la Russie a de nouveau mis son veto,
jeudi 16 novembre puis à nouvau vendredi 17 novembre, à une
résolution présentée par les Etats-Unis, qui visait à renouveler le mandat de la commission
d’enquête sur l’utilisation d’armes
chimiques en Syrie. C’est la onzième opposition formelle de Moscou, membre
permanent du Conseil de sécurité, sur le dossier syrien.
Le projet de
résolution, vendredi, était porté par le Japon
et visait à prolonger
de 30 jours le mandat des experts internationaux enquêtant sur l’utilisation
des armes chimiques en Syrie. Cette résolution a été approuvée par 12 pays sur
les 15 membres du Conseil de sécurité. Outre la Russie, la Bolivie a voté contre. La Chine s’est abstenue.
« La
Russie nous fait perdre
notre temps », a dénoncé l’ambassadrice américaine Nikki
Haley, en soulignant que « la
Russie ne souhaitait pas trouver un
terrain d’entente » avec ses partenaires du Conseil de
sécurité.
Ce schéma de blocage a été mis en place depuis le début du
conflit, le 15 mars 2011. Depuis cette date, Moscou se contente de voter
les résolutions se cantonnant à une condamnation morale des crimes perpétrés
par le régime et par les groupes armés
présents. Mais se garde d’approuver les initiatives internationales pouvant avoir
des effets contraignants sur Damas.
· 2011,
le couple russo-syrien se forme
C’est en octobre 2011
que débute ce long processus, après six mois de ce qui est alors perçu comme
une insurrection dans la lignée des printemps arabes. La Russie
et la Chine bloquent un projet de résolution des Occidentaux qui veut prendre
des « mesures ciblées »
pour enrayer
la répression menée par le régime de Bachar Al-Assad, cet ophtalmologue de formation devenu président
en 2000.
Les manifestations, quasi quotidiennes dans le pays, sont
écrasées dans le sang. Le terme de « crimes
contre l’humanité » est brandi contre l’homme fort de Damas. Le retrait d’une
référence directe à des sanctions ne suffit pas à surmonter
l’opposition de Moscou. Il s’agit du premier veto russo-chinois depuis celui
qui avait bloqué des sanctions de l’ONU contre le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, en juillet 2008.
· 2012,
plan de paix avorté
Le 4 février
2012,
face à l’intensification du conflit, le Conseil de sécurité soumet au vote
un projet de résolution demandant le départ du président syrien, pour faire
suite au plan de la Ligue arabe
prévoyant une transition démocratique. La Chine et la Russie s’opposent à sa
mise en place.
L’ambassadeur
français Gérard Araud dénonce un « triste jour pour ce Conseil, pour les Syriens et pour les amis
de la démocratie ». L’ambassadrice américaine Susan Rice se
dit « dégoûtée », alors
que le vote survient quelques heures après un bombardement dans
la ville de Homs ayant fait plus de 260 morts.
Même scénario le 19 juillet 2012, quand le couple russo-chinois
s’oppose à la résolution occidentale menaçant le régime syrien de sanctions
économiques et diplomatiques en cas de nouvelles utilisations d’armes lourdes.
Ce
veto marque la fin du plan de paix de Kofi Annan, jamais vraiment mis en
œuvre – les 300 observateurs militaires ayant suspendu leurs activités
pour des raisons de sécurité. Le plan avait pourtant été voté
en avril 2012, y compris par la Russie. Pour l’ambassadeur russe
Vitali Tchourkine, cela aurait ouvert « la voie » à une intervention militaire.
· 2014,
blocage juridique
En mai 2014,
la France se fait
retoquer alors
qu’elle tente de contrer le blocage russe par un biais juridique : Paris propose la saisine de la Cour pénale
internationale (CPI), des crimes commis par les deux camps. Un moyen d’appâter
Moscou, qui réclame depuis le début du conflit que le régime de Bachar Al-Assad
et l’opposition soient considérés de la même manière.
Le texte, coparrainé par une soixantaine de pays, est
bloqué par la Russie et la Chine. Ce veto contribue à renforcer
le climat d’impunité dans le
conflit syrien, qui a
déjà causé plus de 150 000 morts à cette date. Les initiatives
internationales vont alors se raréfier.
· 2016,
le martyr d’Alep
Ce n’est qu’en octobre 2016 qu’elles reprennent. La
France est à l’initiative d’un texte appelant à une cessation immédiate des
bombardements sur Alep, dans le nord de la Syrie. Mais la Russie, qui
intervient dans le pays depuis le 30 septembre 2015 – apportant
notamment un soutien aérien au pouvoir
syrien – s’y oppose. La Chine, qui s’alignait jusque-là sur la position russe,
s’abstient.
En
décembre 2016, les veto russe et chinois sont posés contre
le texte présenté par l’Espagne,
l’Egypte et la Nouvelle-Zélande proposant
une trêve de sept jours à Alep. Le texte spécifiait que « toutes les parties au conflit
syrien mettent fin à toutes leurs attaques dans la ville d’Alep »,
et prévoyait « de répondre
aux besoins humanitaires urgents » en laissant entrer
les secours dans les zones assiégées.
Mais la faiblesse des forces rebelles au moment de la
proposition pousse les Russes à refuser
la résolution pour des raisons militaires stratégiques. Depuis
le 15 novembre, les quartiers rebelles subissent les bombardements les
plus violents depuis deux ans, à coups de barils d’explosifs, d’obus et de
roquettes. Plus
de 50 000 des 250 000 habitants de l’est d’Alep ont fui depuis le
lancement de l’offensive du régime dans la ville martyre.
· 2017,
attaques chimiques
Le 28 février
2017, la
Russie et la Chine mettent leur veto à une résolution de l’ONU qui prévoyait
des sanctions contre onze responsables syriens, principalement des chefs
militaires, et dix organismes, tous en lien avec l’utilisation d’armes
chimiques en Syrie à trois reprises en 2014 et 2015. En ligne de
mire : les forces gouvernementales (après trois attaques au chlore) et les
djihadistes de l’Etat islamique
(pour avoir utilisé du gaz moutarde).
Lire aussi : « Il
y a eu plus d’une centaine d’attaques chimiques en Syrie »
Début
avril, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France
réclament une enquête
internationale et la coopération
de Damas sur
l’attaque chimique du 4 avril à Khan Cheikhoun, imputée au régime de
Bachar Al-Assad. La résolution devait apporter
le soutien de la communauté internationale aux enquêteurs de l’Organisation
pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Le
texte exigeait notamment que les autorités syriennes fournissent les
détails des activités militaires de son armée
le jour de l’attaque, ainsi que les noms des commandants des escadrons aériens,
et donnent un accès aux bases aériennes.
Fin
octobre, la Russie s’était
déjà opposée au renouvellement d’un an de la mission du Joint Investigative
Mechanism (JIM) ou mécanisme d’enquête conjoint de l’ONU et de l’OIAC. Le travail de ces experts chargés de recueillir
les preuves et d’identifier les auteurs des attaques chimiques en Syrie était
pourtant l’un des rares acquis en termes de coopération internationale dans le
dossier syrien. L’avenir du groupe s’est encore un
peu plus obscurci avec le vote du 16 novembre et celui du vendredi 17
novembre.
LE
MONDE | 17.11.2017 à 13h27
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