Ratko Mladic, surnommé le "boucher des Balkans", arrrive au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, pour le verdict de son procès, le 22 novembre 2017 à La Haye Photo Peter Dejong. AFP |
Accusé de génocide et de crimes contre l'humanité, le
chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic a été condamné à la prison à
vie. Enervé et criant, l'accusé a été évacué de la salle d'audience avant
l'annonce du verdict.
Vingt-cinq
ans après les premiers massacres de masse en Bosnie-Herzégovine, le Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a condamné Ratko Mladic, l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, à la prison à vie. Surnommé le «boucher des Balkans»
pour sa responsabilité dans des crimes qui ont fait plus de 100 000 morts et déplacé
plus de 2,2 millions de personnes entre 1992 et 1995, il a été reconnu
coupable d’un des deux chefs de génocide, de cinq chefs de crimes contre
l’humanité et de quatre chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre.
L’accusation avait requis la perpétuité, la peine «que M. Mladic mérite sur la base des
preuves présentées et compte tenu du haut niveau de responsabilité».
Par la voix de son fils Darko, Mladic a annoncé qu'il fera appel.
Cette
condamnation historique de l'«architecte de la
politique de nettoyage ethnique», selon les mots du procureur Serge Brammertz,
intervient plus de vingt mois après celle de Radovan Karadzic, le leader
politique des Serbes de Bosnie, qui avait écopé de 40 ans de prison pour
génocide à Srebrenica. Ce verdict infligé à Ratko Mladic, aujourd’hui âgé de 74
ans, clôt un quart
de siècle de conflits et d’une longue quête de justice. Le 31 décembre, le TPIY
fermera ses portes.
L’annonce
de la peine a été retardée après que l’accusé a obtenu une longue pause pour se
rendre aux toilettes. Ses avocats ont alors avancé qu’il souffrait
d’hypertension et demandé un report du verdict. «Ils mentent. Vous mentez. Je ne me sens pas bien», a crié Ratko Mladic à son
retour dans la salle d’audience. Enervé, il a alors été évacué à la demande du
juge Alphons Orie. Menée par l’avocat Dragan Ivetic, la défense de Mladic avait
tenté à de nombreuses reprises de reporter ce verdict en brandissant l’argument
de sa mauvaise santé physique et mentale. Mladic aurait été victime de trois
attaques cérébrales.
«Souffrances
considérables»
Pendant
près d’une heure et demie, le juge Orie a listé les quatre entreprises criminelles
communes de l’ex-chef militaire des Serbes de Bosnie. Il a également détaillé
la liste de ses crimes, revenant sur les «Souffrances considérables» infligées aux populations civiles délibérément
prises pour cible par les hommes de Mladic à Sarajevo, comme à Srebrenica et
dans quinze municipalités de Bosnie-Herzégovine.
Il
s’est arrêté sur le sort de 24 détenus morts asphyxiés, privés d’eau et forcés
à consommer du sel avant un transfert de neuf heures vers un centre de
détention. «De nombreux auteurs qui ont
capturé des musulmans bosniens ont montré peu ou pas de respect pour la vie
humaine, ni dignité», a
poursuivi le juge néerlandais. «Les circonstances
étaient brutales.» […] «Ceux qui ont tenté de défendre leur maison faisaient face à une force
sans pitié. Des exécutions de masse ont eu lieu et certaines victimes ont
succombé après avoir été battues.»
Pire massacre depuis 1945
Il
avait été inculpé
le 24 juillet 1995,
une quinzaine de jours seulement après la chute de l’enclave de Srebrenica où
environ 8 000 hommes, jeunes et vieux, avaient trouvé la mort dans l’est
de la Bosnie. Cet été-là, les forces militaires des Serbes de Bosnie se
livraient au pire massacre de masse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
en Europe. Sur l’acte d’inculpation pour génocide et crimes contre l’humanité
figurait également le nom du «président» des Serbes de Bosnie, l’ex-psychiatre
Radovan Karadzic, l’un des architectes de la purification ethnique avec
l’ordonnateur en chef, le président Serbe Slobodan Milosevic. Ce dernier est
mort en détention il y a dix ans à La Haye avant qu’une peine ne soit
prononcée à son encontre.
En
novembre 1995, Karadzic et Mladic étaient à nouveau inculpés pour génocide
et crimes contre l’humanité non plus seulement pour le bombardement de
Sarajevo, l’ouverture des camps de concentration de Prijedor, de Foca, Manjaca
et la déportation de dizaines de milliers de Bosniaques et de Croates, mais
pour la responsabilité dans le massacre de Srebrenica. Le 11 juillet 1996,
un an après la chute de Srebrenica, le tribunal de La Haye, avait délivré
un mandat d’arrêt à l’encontre de Mladic et Karadzic. L’année suivante, le
«boucher des Balkans» avait quitté la direction de la VRS, l’armée des Serbes
de Bosnie et gagné la clandestinité. Ce n’est que le 26 mai 2011 que Ratko
Mladic avait été arrêté à Lazarevo, en Serbie, chez un de ses cousins. La
cavale prenait fin. Mladic devait rendre des comptes. C’est chose faite.
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