PHNOM PENH (Reuters) - Les Etats-Unis ont dit qu'ils
allaient prendre des "mesures concrètes" à l'encontre du Cambodge et
l'Union européenne a menacé de remettre en cause les préférences commerciales
dont bénéficie le pays après que le principal parti d'opposition a été interdit
d'élection.
La Cour suprême cambodgienne a dissous jeudi le Parti du
sauvetage national du Cambodge (CNRP), principale formation d'opposition, à la
demande du Premier ministre Hun Sen, qui veut ainsi prolonger sans conteste son
règne de plus de 30 ans.
Le leader du CNRP, Kem Sokha, avait été arrêté le 3 septembre
sous l'accusation d'avoir voulu renverser le gouvernement de l'ancien Khmer
rouge avec la complicité des Etats-Unis.
Les détracteurs de Hun Sen ont qualifié la dissolution de
tentative de vol des élections, ajoutant qu'elle sonnait le glas de la démocratie
après que les donateurs occidentaux ont dépensé des milliards de dollars de
1993 pour mettre en place un système multipartite après des décennies de
guerre.
"Si les choses suivent leurs cours actuel, les
élections de l'année prochaine ne seront ni légitimes ni libres ni
justes", dit la Maison blanche dans un communiqué.
Parmi les premières mesures concrètes annoncées,
Washington va cesser de verser des fonds à la Commission des élections
nationales au Cambodge.
A Bruxelles, un porte-parole de l'Union européenne a noté
que les élections perdaient toute légitimité sans l'opposition, notant que le
respect des droits de l'homme était une condition pour avoir accès au programme
de préférences commerciales de l'UE.
Ce programme - ainsi que les préférences commerciales
identiques accordées par les Etats-Unis - ont permis au Cambodge de bâtir une
industrie du textile fondée sur le niveau peu élevé des coûts du travail.
L'Union européenne et les Etats-Unis absorbent ensemble quelque 60% des
exportations cambodgiennes.
FAIRE TAIRE LA DISSIDENCE
Le gouvernement de Phnom Penh n'a pas réagi dans
l'immédiat aux déclarations de Bruxelles et de Washington.
Le tribunal a également interdit à 118 membres de
l'opposition d'exercer des activités politiques pendant une durée de cinq ans.
Le CNRP, qui espérait défier le Premier ministre, au
pouvoir depuis plus de trente ans, lors des élections législatives de l'an
prochain, est accusé de conspirer pour renverser le gouvernement, ce qu'il
dément.
Les commentateurs voient dans cette décision du tribunal
l'aboutissement de mois de pressions exercées par le Parti du peuple
cambodgien, au pouvoir, sur l'opposition, la société civile et les médias
indépendants afin de faire taire toute dissidence en vue des élections de 2018.
La fille de Kem Sokha, Kem Monovithya, qui milite
elle-même au CNRP, a jugé que le verdict de la cour n'était pas une surprise.
"Cela montre que Hun Sen ne reculera devant rien, si
l'on ne l'arrête pas", a-t-elle dit. "C'est maintenant le temps pour
la communauté internationale de prendre des sanctions."
Jusqu'ici, les pays occidentaux n'ont guère montré
d'entrain pour imposer des sanctions sur le gouvernement de Hun Sen, proche de
la Chine.
Cette dernière est de loin le premier donateur du Cambodge
ainsi que son premier investisseur. Pékin avait apporté son soutien aux
gouvernement après l'arrestation de Kem Sokha.
Hun Sen, dans un communiqué retransmis à la télévision et
sur Facebook, a assuré que les élections prévues en juillet prochain "se
tiendront comme prévu".
Les membres du CNRP qui n'ont pas été interdits de toute
activité politique ont tout à fait le droit, a-t-il dit, de constituer un
nouveau parti.
par Amy Sawitta Lefevre et Prak Chan Thul
Reuters17 novembre 2017
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