L’organisation
de défense des droits de l’hommes Human Rights Watch a rendu public un rapport
sur les arrestations arbitraires et la torture que subissent les opposants de
tous bords.
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Egypte : la torture des détenus politiques,
probable crime contre l'humanité
C’est un rapport de 63 pages accablant. L’ONG Human
Rights Watch accuse la police égyptienne de tortures, qui pourraient constituer
un crime contre l’humanité. 19 anciens détenus, ainsi que leurs familles,
ont été interrogés par Human Rights Watch.
Ils témoignent des différents types de torture. «Les agents de la sécurité nationale appellent ça la fête.
Il y a
plusieurs étapes : chocs électriques répétés, coups de poing, coups de
barre de fer, viols… Ensuite vient l’étape de la "fête du grill" où
le détenu est attaché à une barre comme un poulet à rôtir», précise
le porte-parole de HRW, Ahmed
Benchemsi. Lorsque les policiers soulèvent la barre, cela provoque de
violentes douleurs. «J’avais
l’impression que mes épaules s’arrachaient», témoigne l’une des
victimes dans la vidéo qui illustre le rapport publié mercredi. «Il est légitime de se demander si ces
officiers n’y prennent pas de plaisir», poursuit Ahmed
Benchemsi.
Les victimes libérées ne peuvent pas être suivies
psychologiquement. Les quelques centres de soins sont régulièrement visés par
les autorités. Le centre d’une ONG anti-torture, Al-Nadeem, situé
au Caire, a été fermé à plusieurs reprises. Une situation qui désespère le
porte-parole de l’ONG: «Le fait
que le régime d’Al-Sissi ne se préoccupe pas de mettre à disposition un suivi
psychologique pour les victimes n’est pas étonnant, puisque c’est lui-même qui
donne le feu vert. Mais le fait qu’Al-Sissi ferme ces centres, c’est
effroyable.»
Une politique d’Etat
Depuis l’arrivée au pouvoir d'Al-Sissi, en juin 2014,
et le prolongement de l’état d’urgence suite aux attentats
perpétrés contre les Coptes, en avril, les arrestations arbitraires sont
quotidiennes. «Ce qui est
frappant, c’est à quel point toutes les arrestations sont similaires,
explique Joe Stork, de
HRW. D’abord, ils arrêtent
leurs cibles dans la rue, ou à leur domicile, ensuite ils les emmènent, les
yeux bandés, au commissariat. La torture commence vraiment à partir du moment
où ils sont entre les mains des officiers de la sécurité nationale.» Les
profils des détenus varient : des frères musulmans, cibles privilégiées,
mais aussi des journalistes et des opposants à Al-Sissi, ainsi que des membres
issus de mouvements laïcs.
«L’appartenance politique n’a plus aucune importance. La
police égyptienne ne discrimine pas quand il s’agit de torture», affirme Ahmed
Benchemsi.
C’est la première fois que HRW définit la torture
perpétrée par la sécurité nationale égyptienne comme un crime contre
l’humanité. «Plusieurs critères
nous ont poussés à utiliser cette qualification : ces pratiques sont
perpétuées à une échelle très vaste, elles sont systématiques et relèvent
quasiment d’un protocole, c’est une politique d’Etat», précise le
porte-parole de l’ONG.
Seule solution envisageable: les lois
internationales
L’ONG recommande entre autres d’inciter le ministre de
l’Intérieur égyptien à interdire formellement toute arrestation arbitraire, et
demande au procureur général Nabil Sadek de mener des enquêtes contre les
agents de sécurité nationale impliqués, quel que soit leur grade. Jusqu’à
maintenant, les plaintes des victimes n’ont, pour la plupart, pas été
entendues. «Nous ne sommes pas
naïfs. Nous sommes conscients que le gouvernement égyptien ne suivra très
probablement pas ces consignes. Ces recommandations servent avant tout à
indiquer la bonne chose à faire. Que ce soit faisable ou pas, c’est une autre
affaire», explique Ahmed Benchemsi.
L’Egypte est le seul pays à faire l’objet de deux enquêtes
du comité des Nations unies contre la torture. Même si depuis le coup
d’Etat militaire d’Abdel Fatah al-Sissi, de plus en plus de victimes ne
portent même plus plainte. «Ce
qui se passe en Egypte est d’une extrême importance, alerte le
porte-parole de HRW. J’invite la
communauté internationale à ouvrir les yeux.»
Par Mélissa
Kalaydjian — 6 septembre 2017 à 19:56
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